« Tu vas faire de l’espionnage industriel ! » m’a répondu mon interlocuteur récemment au cours d’un dîner lorsque je lui ai expliqué mon occupation professionnelle.

Ce n’est pas la première fois que j’entends cela. D’ailleurs, les politiques comme les journalistes font régulièrement la confusion.

Il est malheureux que le terme « Intelligence Economique » ne soit pas évident pour tout le monde et est utilisé à tort.

Pourquoi un tel amalgame ?

Mise en œuvre d’une démarche de Market Intelligence

Pour tenter d’apporter un éclairage sur la différence entre ces deux notions en dehors d’une analyse purement sémantique, il me paraît utile de rappeler les cinq pôles de l’Intelligence Economique (ou IE) mis en avant dans le « Référentiel de formation » publié sous la responsabilité d’Alain Juillet (Haut Responsable de l’Intelligence Economique du 31 décembre 2003 jusqu’au 27 Mai 2009) en février 2005, à savoir :

L’IE est une réponse culturelle et opérationnelle adaptée aux problématiques de la globalisation et de la société de l’information

Les entreprises évoluent dans un environnement en complexification croissante. Le maintien de la compétitivité d’une organisation, donc sa pérennité, dépendant de plus en plus étroitement de sa capacité d’adaptation et de sa vitesse de réaction dans un environnement complexe. Il lui faut connaître l’essentiel puis agir vite. L’entreprise doit désormais considérer son environnement comme une « variable stratégique » en permanente reconfiguration et sur laquelle elle doit agir, grâce à la maîtrise de l’information.

Dans ce contexte, l’utilisation de l’intelligence économique facilite le comportement stratégique fondé sur la gestion de l’information qui consiste à déceler les signaux les plus faibles pour anticiper les évolutions futures et ainsi préparer les décisions à prendre.

L’IE est un « facteur clé de succès » pour la réussite des projets d’entreprises

L’intelligence économique est tout simplement le moyen de donner la bonne information, au bon moment et à la bonne personne pour prendre la bonne décision.

Cela passe par une somme de questions qu’il faut se poser pour appréhender son environnement, éviter les menaces, développer ses forces, corriger ses faiblesses et saisir les opportunités :

  • Quels sont les facteurs qui influent sur mon entreprise ?
  • Lequel de ces facteurs est le plus important aujourd’hui ?
  • Lequel le sera demain ?

Ces questions doivent être posées sans tabou à tous les niveaux. En fonction de l’activité de l’entreprise, ces questions peuvent être d’ordre politique, économique, sociologique, technologique, écologique, réglementaires, etc.… Les réponses apportées doivent être appliquées et mises en œuvre avec l’ensemble des partenaires sur toute la chaîne de valeur, du fournisseur au client final  dans le but d’accroitre la compétitivité de l’entreprise.

Ainsi l’IE aide à changer les comportements et les attitudes à l’intérieur de l’organisation en offrant une « vision partagée des objectifs de l’entreprise » (Expression extraite du rapport « Intelligence économique et stratégie des entreprises » en 1994 de Henri MARTRE, alors Commissaire général au Plan.)ce qui facilite la formulation de raisonnements stratégiques. L’IE facilite le développement de l’innovation par différenciation, diversification, reformulation, modélisation, fécondation des idées ou simple observation de son environnement immédiat. Toutes ces voies inventives sont le résultat d’un traitement organisé et partagé de l’information.

« Une veille efficace divise par dix les frais de conception et de développement d’un nouveau produit » (Selon Florence Hunot, formatrice, consultante, coach et co-directrice de la société « Formation Hommes & Conseils », société dédiée à l’accompagnement des changements et des projets, ainsi qu’au développement professionnel des managers et de leurs équipes.).

L’IE est consacrée au management de l’information et des connaissances

L’IE se base sur des moyens légaux pour assurer collectivement la gestion (recherche, acquisition et diffusion d’information « ouverte »), l’exploitation (analyse, validation, synthèse) et la production des connaissances opérationnelles nouvelles indispensables à la prise de décision et au pilotage stratégique de l’entreprise dans un esprit de concurrence loyale.

Le procédé de collecte est à la fois ciblé dans le cadre de veilles dédiées mais ouvert aussi à toutes les curiosités ce qui confère à la démarche une perception globale de l’environnement. Il est donc impossible de connaître à l’avance la nature de l’information récoltée et les domaines dont elle révèlera.

L’espionnage est un délit, un vol, une intrusion illégale dans le secret des affaires. Les professionnels de l’IE se doivent de respecter un ensemble de règles d’éthiques (Selon Florence Hunot, formatrice, consultante, coach et co-directrice de la société « Formation Hommes & Conseils », société dédiée à l’accompagnement des changements et des projets, ainsi qu’au développement professionnel des managers et de leurs équipes.)et une déontologie. Elle ne traite que de l’information ouverte parfois difficile d’accès mais toujours légale.

Cette information est ensuite exploitée et diffusée au sein de l’entreprise.  Elle peut être parfois très sensible et devra être protégée.

L’IE s’intéresse aussi à la protection et la défense du patrimoine immatériel des entreprises

Le patrimoine des entreprises est de plus en plus immatériel. Il est essentiel de se protéger et de se défendre contre les menaces qui peuvent peser sur cette propriété.

Lanny Brenner, Procureur général adjoint en charge des affaires criminelles au ministère de la Justice américain, affirme que « dans l’économie actuelle, les vols visent de plus en plus nos entreprises. Pour rester à la pointe de l’innovation, nous devons protéger nos secrets commerciaux. ».

En l’absence d’outil juridique dédié à la protection pénale des informations stratégiques et des secrets d’affaires en France, L’IE est étroitement liée à la protection du patrimoine sensible et apporte une meilleure « intelligence des risques » par la mise en place de stratégies sécuritaires des biens de l’entreprise, qu’ils soient immatériels ou pas (Extrait du livre « De l’intelligence des risque à la Mission de protection » IFIE 2008 2ème édition » de Bernard BESSON et Jean-Claude POSSIN.).

Ainsi les informations récoltées par un système d’IE, étant issues de sources et de méthodes légales et validés pour lever tout soupçon de désinformation, n’auront aucun impact sur l’image de l’entreprise les ayant collectés. Par contre lorsqu’une information issue de pratiques frauduleuses est révélée, la société malhonnête peut être poursuivie en justice. Cela altère son image et crée une suspicion qui compromet sa crédibilité, donc son avenir.

L’intelligence économique permet d’avoir une politique d’influence et de contre influence

L’objectif est de s’armer en toute légalité contre les attaques informationnelles, les manœuvres de déstabilisation issues de pratiques illégales et de mettre en œuvre des démarches de lobbying et d’animation de réseaux d’influence.

Une politique d’influence maîtrisée nécessite une stratégie, une prospective, la perception de l’environnement et des réseaux d’alliance ce que l’IE permet de mettre en exergue avant de le traduire en action.

Influence contre influence s’exercent de manière déontologique. L’espionnage indique pour celui qui le met en œuvre une absence de stratégie à long terme et une prise de risque inacceptable. L’espionnage vient toujours trop tard alors que l’intelligence économique se situe en amont des innovations technologiques ou des évènements économiques. Son agilité, sa rapidité, le soutien d’une intelligence collective lui épargnent les affres et les sueurs froides de l’espionnage.

En résumé, « renseigner » ne veut pas dire « espionner »

Un renseignement, validé par recoupement et analysé débouche sur une connaissance exploitable techniquement et légalement.

La confusion permanente de l’IE avec l’espionnage montre l’étendue de la méconnaissance quasi générale de ce métier pourtant très ancien. De plus, tout ce qui touche au renseignement en France, pays dépourvu de culture du renseignement comme en particulier les anglo-saxons, a mauvaise réputation…

Contrairement aux idées reçues, l’intelligence économique n’est pas de l’espionnage économique.

L’espionnage, ou l’action illicite, répond uniquement aux questions que l’on se pose et que l’on n’aura pas su ou pu trouver d’une façon légale toujours par manque d’imagination et d’une mauvaise gestion du temps. Les actions d’espionnage révèlent une incapacité à comprendre le futur. Elles ne font que, tôt ou tard, mettre en péril l’entreprise qui la pratique ou la commandite à ses espions.

« L’intelligence économique ne viole pas les secrets mais les précède car elle se situe à l’émergence des idées et des faits »(Extrait du livre « Du renseignement à l’Intelligence Economique » de Bernard BESSON et Jean-Claude POSSIN.). Elle permet aux entreprises, en toute connaissance de cause, de valoriser l’information en véritable outil d’aide à la décision stratégique et ainsi emboîter le pas vers la maîtrise de leur destinée.

Pour aller plus loin sur ce sujet,

Voir le livre intitulé  La Market Intelligence Appliquée à l’Art de la Vente Dans l’Entreprise 2.0 – Comment Améliorer la Performance Commerciale avec les Méthodes, Organisations et Outils de la « Market Intelligence »

  • Auteur : Max-Hubert BELESCOT
  • Broché: 490 pages
  • Editeur : Books on Demand (14 décembre 2012)
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2810626588
  • ISBN-13: 978-2810626588
  • Dimensions du produit: 14,8 x 2,5 x 21 cm

   

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2019-08-25T19:54:07+02:00
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